Le jour du dépassement est désormais connu par tous (overshoot day). Cet indicateur pointe le jour dans l'année courante correspondant au moment où l'humanité a consommée les ressources biologiques produites sur notre planète en un an. Le graphique ci-dessous illustre l'évolution de cette date depuis le 01.01.1970, avec un ratio actuel de 1.78 planètes nécessaires (à lire de droite à gauche, le jour du dépassement se rapprochant chaque année du début de cette dernière).
Passée cette date, l'humanité vit à crédit en quelque sorte, prétéritant l'avenir, la manière dont nous pourrons vivre dans les prochaines années. Bien évidemment cet indice est discutable, son évaluation, son calcul pourrait faire l'objet de critiques. En attendant, cela nous donne une idée du rythme auquel nous vivons tous, et de là servir d'appui pour certains mécanismes et certaines réflexions. Si d'aventure d'autres indices apparaissaient nous pourrions toujours considérer d'en changer, mais cela serait surprenant que le constat soit radicalement différent.
Ce même indice est également disponible par pays et la Suisse n'est évidemment guère mieux placée que le reste du monde, voire même fait partie de ces pays qui aggravent sérieusement la situation avec un ratio de plus de 2.6 planètes nécessaires (nous pouvons aisément apprécier la différence de pente des tracés, accentuation qui pourra éventuellement faire rêver les plus skieurs d'entre nous).
Nous proposons ici d'appliquer cet indice à chacun de nous, au niveau de chaque citoyen.
Dans un premier temps, cela pourrait tout simplement permettre de connaître son empreinte écologique personnelle par rapport à son niveau de vie. Bien que chacun puisse chercher à faire «des efforts» (acheter un vélo, utiliser les circuits courts au marché etc.), il semble rare voir totalement hors sujet d’évaluer ce qu’est son empreinte écologique au quotidien. Cela nous semble pourtant être un point d’entrée intéressant, dès lors que c’est quelque chose pour lequel nous sommes prêt à faire des efforts, et ainsi avoir une idée de ce que coûte écologiquement notre manière de vivre.
Il existe déjà des outils qui permettent de réaliser une telle évaluation de manière plus ou moins globale, à une échelle individuelle (impactco2.fr, myclimate.org WWF Footprint Calculator). Cela reste généralement purement informatif sans autre conséquence. Le gros avantage réside ici dans les mécanismes d’évaluation qui ont été mis en place sur ces différentes plateformes afin de quantifier écologiquement un grand nombre de nos actions quotidiennes. Avec le temps, cela inclut les coût environnementaux de la production des produits ou bien des services, mais également l’énergie grise associée (acheminement des produits etc.), ce qui permet d’affiner les estimations. Le tout peut évoluer dans le temps, être corrigé ou modifié (si un produit devient écologiquement plus vertueux par exemple) sans pour autant changer le mode de calcul global. L'information et les outils sont disponibles et ne cesseront pas de d'affiner avec le temps.
Cette notion de coût écologique par individu par produits et services peut alors être inversée. Au lieu d’estimer l’impact écologique au coup par coup sans autre bilan global, chaque citoyen pourrait se voir allouer un même montant de crédits de TREV chaque année, disons 1000 TREV. Ce montant peut être vu comme une représentation des ressources naturelles que chaque citoyen peut se permettre de consommer durant une année : nous rejoignons là l’idée du «jour du dépassement» mais appliqué à chacun de nous, ce jour étant atteint par un individu lorsque son crédit de TREV arrive à 0.
À chaque bien ou service consommé un certain montant de TREV est déduit du crédit actuel, ce montant étant directement proportionnel à l’impact écologique du bien considéré. Les biens et les produits ne sont plus uniquement représentés par leur prix en monnaie classique, mais également par leur coût écologique via leur évaluation en TREV. Nous obtenons alors 2 échelles de valeurs qui ne seront évidemment pas correlées. Chaque produit ou service se voit effectivement quantifiable en monnaie classique, mais également en TREV, représentant le coût écologique de ces mêmes produits et services.
Au delà de proposer une considération écologique de tout acte consumériste, nous sortons par la même d'une approche purement capitaliste du coût des objets et services. Ces mêmes coûts dont l'estimation en monnaie peut parfois poser question (de quelle réalité parle-t-on dans un aller-retour en avion à Barcelone proposé à 60 CHF?). Au délà des systèmes de calcul dynamique de prix pour assurer un certain taux de remplissage, il est également désormais évident et connu que le prix de certains objets ne soient plus lié à leur coût direct de production, mais plutôt au pourcentage que doit représenter ce même objet sur un salaire moyen dans une zone géographique donnée. Ce syndrome de l'oeuf et de la poule, qui consistait initialement à donner au travailleur de quoi acheter ce qu'il produit (fordisme)... avatar de mouvement perpétuel dont le capitalisme est l'initiateur, autrement appelé la stratégie du prix, le "pricing" et autre "tarification psychologique" (princing, tarification psychologique, La stratégie prix (dont le 4ème de couverture laisse rêveur)), qui dénomme cet art de fixer un prix en fonction de ce qu'est prêt à payer un consommateur pour le produit concerné.
Dans un souci d’illustration, un exemple de coûts exprimés en TREV pourrait être le suivant (pour donner une idée d’échelle) :
- un voyage en avion : 500 TREV
- un voyage en train : 10 TREV
- un voyage en voiture : 30 TREV
- une voiture neuve : 300 TREV
- un téléphone portable : 200 TREV
- un paquet de pâtes: 0.1 TREV
Avec ce simple exemple, l’échelle des valeurs dont nous avons l’habitude est déjà bien perturbée.
Il est facile d’observer qu’un voyage en avion par an est un grand maximum si l’on ne veut pas perdre tous ses TREV. De même que changer 2 fois de téléphone portable dans la même année n’est pas non plus très soutenable etc. L'idée ici n'est pas de dénoncer des comportements plutôt que d'autres, mais simplement de responsabiliser chacun de nous à travers l'information et une quantification effective.
Si d’aventure un bien ou un service devient plus vertueux écologiquement, il suffit alors d’adapter à la baisse ou à la hausse son estimation en TREV. L’ensemble reste très dynamique et peut être affiné et adapté à tout moment, sans pénaliser le bon fonctionnement du système de TREV.
Il apparait évidemment fastidieux s'imaginer tenir une comptabilité complète manuellement, et répercuter tous ces achats au quotidien en TREV. Dans ce sens, nous proposons que le système de comptabilité TREV évolue de manière automatique et forfaitaire pour tout ce qui touche aux services et produits du quotidien. Pas besoin donc de répertorier chaque paquet de pâtes achetés etc. Dès l'ouverture d'un compte TREV, le crédit initial alloué à chaque début d'année par citoyen apparaitra. Instantanément une projection jusqu'au 31.12 de la même année pourra être consultée, sous forme d'un graphique, et de là avoir une estimation de son crédit effectif disponible pour les extras. Si ce calcul automatique de base paraît injuste ou trop décalé par rapport à la réalité, il sera toujours possible de passer en gestion manuelle, passer d'une évaluation forfaitaire d'un mode de vie "normale", à une déclaration plus précise, mais potentiellement plus fastidieuse. Par ce système de forfait, le système évite d'être trop intrusif quant à la consommation effective de chaque citoyen. Le système échappe également à une lourdeur de mise en place trop importante.
L'année courante s'écoulant, à chacun de nous d'ajouter nos voyages en avion, déplacements en voiture ou en train, nos achats de matériel électronique etc. Tous ces achats qui vont venir modifier l'évolution de votre courbe de crédits TREV.
Dés lors, que pourrait-il se passer si un individu atteint son jour de dépassement dans le courant d’une année, autrement dit si la personne a consommé tous ses TREV avant la fin de l'année civile ? Et bien il pourrait y avoir des conséquences financières pour la suite de l’année. Par exemple, certains biens ou services pourraient voir leur prix ajusté par l’adjonction d’une taxe écologique, uniquement dûe au fait que la personne a atteint son «jour de dépassement». L’argent ainsi collecté viendrait nourrir un fonds de transition écologique possiblement utile dans de nombreux cas:
- aider les ménages à revenu modeste à accéder à des produits bio et/ou au circuit court (dont on sait pertinemment que leur coût financier est plus important que des produits classiques potentiellement de plus mauvaise qualité).
- participer au déploiement des énergies renouvelables réhaussement ou construction de barrages hydrauliques etc.)
De manière assez naturelle, ce système ne prétérite pas les ménages modestes (qui n’auront aucun mal à ne pas dépenser la totalité de leur TREV dans l’année, car ayant de tout façon des moyens limités), ni n’empêche les plus aisés à continuer de vivre au même rythme qu’avant. Simplement un comportement écologiquement abusif (qui se traduirait par un épuisement de ses TREV) aboutira à une participation financière à la dégradation écologique obligatoirement engendrée par ce comportement.
Pour la plupart des citoyens, l’évolution du crédit de TREV durant l’année serait une opportunité de se questionner sur son impact écologique, quasiment au jour le jour. De là, en tirer une réflexion et potentiellement adapter ses habitudes pour diminuer son empreinte écologique... ou pas.
Au delà de l’opportunité de collecter des fonds utiles à la transition écologique, nous aurions également un moyen simple et unique pour réagir globalement en cas de grave crise écologique. Aujourd’hui nous entendons nombre de tergiversations pour introduire une taxe sur les SUV, ou bien sur les billets d’avion, ce qui stigmatiserait systématiquement une partie de la population ou une autre. Cela nous amène systématiquement dans des débats stériles, des citoyens pointant du doigt d’autres citoyens, pour que finalement rien n’aboutisse, chacun rentrant chez soi en étant persuadé que c'est évidemment la faute du voisin et pas la sienne.
Au delà de raisonnablement responsabiliser chacun de nous, avec le système de TREV, nous avons là un potentiomètre unique qui nous permet d’ouvrir ou de fermer plus ou moins les vannes de la consommation :
- soit globalement, simplement en ajustant le nombre de crédits TREV alloués par année à chaque citoyen. Cet ajustement pourrait aller dans les 2 sens, augmentation ou diminution, suivant l’évolution écologique de la planète.
- soit à l’échelle de produits ou de services qu’il apparaitrait bon de promouvoir (toujours d’un point de vue écologique) en baissant leur évaluation/coût en TREV, ou bien de défavoriser en augmentant leur estimation en TREV.
Comme souligné plus haut, le système reste très dynamique, nombre de paramètres peuvent être adaptés et corrigés tout en gardant le système fonctionnel.
Un tel système, si il était mis en place, pourrait commencer par un ensemble d’années blanches, les crédits TREV seraient alloués à chacun (le même montant pour tous), leur évolution effectivement suivie au cours de l’année. Chacun pourrait dés lors évaluer son empreinte écologique en toute objectivité et conscience.
Tout cela resterait confidentiel, un peu de la même manière que peuvent l’être les impôts et la TVA, tout en offrant une possibilité de discussion et de comparaison effective dans le cadre de consentement mutuel. Nous arrêtons de nous pointer du doigt les uns les autres, et nous échangeons sur le sujet en comparant des évaluations comparables.